La géothermie en France : un potentiel encore sous-estimé

La géothermie en France : un potentiel encore sous-estimé

Une énergie sous nos pieds encore méconnue

Lorsqu’on parle d’énergies renouvelables en France, ce sont souvent le solaire et l’éolien qui monopolisent le débat. Pourtant, une source d’énergie discrète, renouvelable, locale et constante reste largement sous-exploitée : la géothermie. Et c’est bien dommage.

Cette forme d’énergie, qui capte la chaleur stockée dans le sol pour la transformer en chauffage ou en électricité, présente pourtant des atouts considérables. Alors pourquoi la géothermie reste-t-elle en retrait par rapport aux autres ? Quels sont ses vrais potentiels en France ? Et que peut-on faire, à notre échelle ou à l’échelle territoriale, pour mieux l’exploiter ? On fait le point.

La géothermie, késako ?

La géothermie consiste à exploiter la chaleur naturelle présente dans les sous-sols pour produire de l’énergie. Cette chaleur provient à la fois du noyau terrestre (températures extrêmes en profondeur) et de la dégradation de matières organiques ou minérales contenues dans la croûte terrestre. Elle est accessible à différentes profondeurs, et selon l’usage envisagé (chauffage domestique ou production d’électricité), on mobilise des technologies différentes.

  • La géothermie très basse énergie (à moins de 200 m de profondeur) est utilisée pour le chauffage et la climatisation via des pompes à chaleur.
  • La géothermie basse ou moyenne énergie (jusqu’à 2 000 m) permet d’alimenter des réseaux de chaleur pour des quartiers entiers ou des bâtiments publics.
  • La géothermie haute énergie (environ 3 000 m et plus) est utilisée pour produire de l’électricité à partir de vapeur ou d’eau chaude sous pression.

Dans tous les cas, l’énergie est disponible 24h/24, 7j/7, sans dépendre de la météo. Oui, même quand il pleut à Roubaix ou qu’il neige à Briançon.

Un potentiel français bien plus important qu’il n’y paraît

Contrairement aux idées reçues, la France dispose d’un potentiel géothermique conséquent, et pas uniquement dans les DOM-TOM ou en Alsace. Le Bassin parisien, l’Aquitaine, le Massif central ou encore la vallée du Rhône sont particulièrement propices à l’exploitation géothermique.

La France compte aujourd’hui une cinquantaine de réseaux de chaleur géothermiques – principalement en Île-de-France – et environ 200 000 pompes à chaleur géothermiques installées dans les bâtiments (source : ADEME 2023).

Mais ce chiffre reste modeste face aux objectifs nationaux : la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) prévoit une multiplication par 4 de la géothermie à l’horizon 2050. Autant dire qu’il y a du travail. Et pourtant, l’énergie est là. Tranquillement stockée sous nos pieds, prête à être utilisée.

Pourquoi un tel retard ?

C’est la question qui fâche. Plusieurs freins expliquent cette sous-utilisation de la géothermie en France :

  • Manque de visibilité : comparée au solaire dont l’installation de panneaux est très visuelle, la géothermie est « invisible ». On ne la voit pas, donc on y pense peu.
  • Coûts initiaux plus élevés : forer un puits géothermique nécessite un investissement de départ important, même si cela s’amortit rapidement grâce aux économies d’énergie.
  • Cadre réglementaire complexe : les démarches administratives peuvent être longues, notamment pour les installations profondes.
  • Manque de formation et d’information : peu de professionnels sont formés, et les particuliers ne savent souvent pas que des solutions existent à leur échelle.

Résultat : même les territoires propices n’intègrent pas systématiquement la géothermie dans leurs projets d’aménagement ou de rénovation énergétique. Un véritable gâchis, surtout quand on sait que cette énergie permettrait d’atteindre plus facilement nos objectifs climatiques.

Des exemples qui réchauffent (sans jeu de mots)

Heureusement, certaines collectivités ont pris les devants. C’est le cas de la ville de Villejuif, qui alimente depuis 2020 plus de 15 000 logements grâce à un réseau de chaleur géothermique. Ce projet, relié à une nappe d’eau chaude située à 1 800 mètres de profondeur, permet une réduction d’émissions de CO2 de plus de 25 000 tonnes par an.

Autre exemple inspirant : Changé, en Mayenne, une commune de 6 600 habitants qui a opté pour la géothermie afin de chauffer plusieurs équipements publics. Entamé en 2017, le projet a permis de diviser par deux la facture énergétique. Et cerise sur le gâteau, les enfants de la crèche municipale bénéficient d’un confort thermique impeccable, hiver comme été.

Là encore, on est loin du gadget écolo. Ces projets montrent que la géothermie peut être un pilier stratégique de la transition énergétique… à condition d’être soutenue et financée comme il se doit.

À l’échelle individuelle, c’est possible aussi !

On pourrait croire que la géothermie est réservée aux collectivités ou aux projets d’envergure. Et pourtant, de plus en plus de particuliers installent des pompes à chaleur géothermiques chez eux, souvent à l’occasion d’une construction neuve ou d’une rénovation complète.

Certes, le chantier est plus complexe qu’un simple poêle à granulés. Mais les avantages sont nombreux :

  • Une source d’énergie stable et silencieuse
  • Des dépenses de chauffage réduites jusqu’à 60 %
  • Un confort thermique renforcé, été comme hiver

L’État propose d’ailleurs des aides à l’installation via le dispositif MaPrimeRénov’, les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), ou encore certaines aides régionales. De quoi alléger l’investissement de départ.

Comment accélérer le mouvement ?

Développer la géothermie à grande échelle nécessite une action conjointe des pouvoirs publics, des entreprises, et bien sûr des citoyens. Plusieurs pistes sont à privilégier :

  • Intégrer systématiquement la géothermie dans les projets d’aménagement urbain et de reconstruction, notamment dans les zones géologiques propices.
  • Simplifier les démarches administratives, en particulier pour les petits projets ou les forages de faible profondeur.
  • Former davantage de professionnels (techniciens, artisans, ingénieurs) capables d’accompagner les projets de l’étude à la maintenance.
  • Sensibiliser les citoyens : qui sait aujourd’hui qu’une pompe à chaleur géothermique peut être aussi rentable qu’une chaudière gaz sur 20 ans ?
  • Soutenir l’innovation, notamment en matière de forages moins invasifs, de capteurs horizontaux plus performants, ou de stockage intersaisonnier de la chaleur.

Pourquoi il est temps d’y croire

La géothermie coche toutes les cases : énergie renouvelable, locale, non intermittente, sans émission de CO2 ni bruit. Et si elle paraît discrète, elle est surtout terriblement efficace là où elle est mise en œuvre.

Chauffage des logements, production d’électricité verte à long terme, réduction de la dépendance aux énergies fossiles… La géothermie peut contribuer puissamment à un avenir énergétique plus résilient. Mais pour que cela fonctionne, encore faut-il sortir cette énergie de l’ombre.

Et si l’on commençait, tout simplement, par en parler autour de nous ? À l’échelle d’un quartier, d’un projet de construction, d’un écoquartier à venir, les opportunités ne manquent pas. Il ne reste qu’à (re)mettre les mains — et les idées — dans la terre.