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L’extinction silencieuse des insectes pollinisateurs inquiète les scientifiques

L’extinction silencieuse des insectes pollinisateurs inquiète les scientifiques

L’extinction silencieuse des insectes pollinisateurs inquiète les scientifiques

Une disparition en cours… et presque invisible

Ils sont minuscules, discrets, souvent méconnus, mais sans eux, notre monde ne tournerait pas tout à fait rond. Les insectes pollinisateurs – abeilles sauvages, bourdons, papillons, mouches, coléoptères et bien d’autres – disparaissent à un rythme inquiétant. Pire encore : cette extinction est silencieuse, progressive, et largement ignorée par le grand public. Pourtant, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs années.

Dans un rapport publié en 2023 par l’IPBES (la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), près de 40 % des espèces d’insectes pollinisateurs sont menacées d’extinction à court terme. Isolés, ces chiffres semblent abstraits. Mais leur impact est bien réel : environ 75 % des cultures alimentaires dans le monde dépendent, au moins en partie, de la pollinisation animale.

Pollinisateurs : des acteurs clés de notre quotidien

Croquez une pomme, prenez une cuillère de miel ou respirez l’odeur d’un champ de lavande en fleurs : rien de tout cela n’existerait sans les pollinisateurs. Le rôle qu’ils jouent est fondamental dans le maintien de la biodiversité et la production alimentaire. Sans eux :

À titre d’exemple, le bourdon terrestre (Bombus terrestris), un champion toute catégorie de la pollinisation, est essentiel pour les cultures sous serre comme les tomates. Des études montrent que sans lui, la productivité chuterait drastiquement, avec des pertes agricoles de plusieurs millions d’euros par an en Europe.

Pourquoi disparaissent-ils ? Les causes d’une crise multifactorielle

Il n’existe pas une seule cause à la disparition des pollinisateurs, mais bien une combinaison de facteurs qui s’aggravent les uns les autres. En voici les principaux :

Ce ne sont pas juste quelques abeilles qu’on perd à chaque printemps plus chaud ou à chaque champ pulvérisé : c’est un tissu fragile, tissé de relations complexes entre espèces, qui menace de se déchirer.

Un silence inquiétant dans nos campagnes

Si vous avez grandi en milieu rural, vous vous souvenez peut-être des pare-brise des voitures couverts d’insectes après un long trajet. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui. Une étude allemande publiée en 2017 a révélé une baisse de 75 % de la biomasse totale des insectes volants dans les réserves naturelles en l’espace de seulement 27 ans. Et rien n’indique que la tendance s’inverse.

Le phénomène porte même un nom : le syndrome du pare-brise propre. Derrière l’anecdote se cache une tendance dramatique — ce que nous ne voyons plus, c’est aussi ce que la nature est en train de perdre.

Abeilles domestiques contre abeilles sauvages : ne nous trompons pas de combat

Face à la crise, certaines initiatives bien intentionnées consistent à multiplier les ruches en ville. Mais attention : cette « solution » peut aggraver le problème si elle n’est pas pensée intelligemment.

L’abeille domestique (Apis mellifera), exploitée pour la production de miel, est une espèce très prolifique. Elle entre en compétition directe avec les pollinisateurs sauvages pour les ressources florales, et peut les mettre en péril dans les zones urbaines ou pauvres en biodiversité.

La solution ne réside donc pas dans la ruche installée sur le toit du voisinage, mais plutôt dans le maintien et la restauration des habitats naturels, fleuris et variés, qui bénéficient à l’ensemble des espèces.

Polliniser le changement : que peut-on faire à notre échelle ?

Certes, les décisions politiques et les pratiques agricoles doivent évoluer. Mais en tant que citoyen, jardinier urbain, ou simple amoureux de la nature, vous pouvez aussi agir pour soutenir les pollinisateurs. Voici quelques pistes concrètes :

Créer des oasis de biodiversité, c’est possible, même sur quelques mètres carrés de balcon. Chaque fleur plantée, chaque geste naturel, participe à inverser la tendance.

Espoir et mobilisation : ne pas attendre le bourdonnement fatidique

Il serait facile de céder à l’angoisse ou à la résignation. Mais les signaux d’espoir existent. En France, plusieurs communes ont adopté une gestion différenciée des espaces verts, laissant certaines prairies « en friche » pour favoriser la vie sauvage. Des corridors pollinisateurs se mettent en place en milieu agricole. Des ruches écologiques, pensées avant tout comme des refuges pour les abeilles plutôt que des outils de production, font leur apparition.

Et surtout, la visibilité de ce sujet grandit. Le pollinisateur n’est plus seulement cette abeille vue dans les dessins animés – c’est maintenant un enjeu de société, de souveraineté alimentaire, de survie écosystémique.

Il est encore temps d’agir. Mais chaque jour de silence de plus dans nos champs, nos parcs et nos jardins rendra le brouhaha de la prise de conscience plus douloureux. Et vous, que ferez-vous pour faire de votre espace un lieu d’accueil pour ces alliés ailés ?

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